« Mais, « enfant soldat » ça ne veut rien dire, parce que soit on est un enfant soit on est un soldat, non? » (Mathieu, 10 ans)
Pourtant, il existe plus de 300 000 enfants soldats à travers de monde…
Nous n’ignorons pas l’existence de ces enfants soldats. Quelque fois même, il arrive que nous tombions nez-à-nez avec une photo représentant l’horreur de leur vie. Et nous trouvons cela triste, nous nous apitoyons un peu, les plaignons, allant même parfois jusqu’à trouver cela injuste.
Et puis on oublie.
Parce qu’il est plus facile d’oublier, de s’enfermer dans le confort douillet de notre quotidien, notre petite existence à nous. Parce que nous n’arrivons pas à nous imaginer l’atrocité de leur vie (pouvons-nous vraiment qualifier cette existence de »vie »?). Mais c’est bien de cela qu’il s’agit, hélas, pour ces jeunes, coincés entre l’âge adulte et l’enfance, perdus dans un monde de douleurs et de lamentations. Certains, ignorant la pureté et l’innocence de cet âge fragile, les ont transformés. Et tous ces enfants sont désormais des meurtriers.
En Birmanie, un soldat sur cinq (Amnesty International, 2003) est sous la barrière des 18 ans. Imaginez, (votre frère, votre soeur plus jeune, votre enfant; choississez) à la sortie de l’école, de l’autobus, de l’église, dans la rue, sortant d’un stade, au parc, est arrêté par plusieurs hommes. Ces derniers le/la forcent à s’enrôler sous leurs ordres. Pour toute tentative de refus c’est la mort qui l’attend. Ainsi des enfants deviennent, à chaque jour, de futurs meurtriers dans une guerre qui n’est pas la leur. Leur famille ne saura jamais ce qui leur est arrivé puisque personne ne se donnera la peine de la contacter.
Les nouveaux soldats ne reçoivent qu’une brève « formation » dans des camps insalubres où les coups pleuvent régulièrement. Les tentatives d’évasion sont brutalement réprimandées. Dès la fin de leur entraînement, les enfants, graçons et fillettes, sont envoyé au front, pour se battre contre des soldats adultes et expérimentés. Cependant, les filles ont beaucoup plus de chances d’y être violées puis abattues.
Les devoirs d’un enfant soldat sont multiples. Il sert de soldat, d’espion, de messager, de porteur, de sentinelle, de bouclier humain, de serviteur, d’esclave sexuel (!!). Avec des drogues ou de l’alcool, on réussit à les faire aller au combat plus facilement, éliminant la peur qui se lit dans leurs grands yeux. Peu à peu, les jeunes s’habituent à ce mode de vie, ils savent ce qui est permis et ce qui ne l’est pas. Peu à peu, ils oublient leur vie d’avant, arrivant à trouver leur nouvelle existence normale. Peu à peu, ils deviennent des tueurs enfermés dans des corps d’enfants.
Afin d’accélérer ce processus de « transformation » des enfants en machine à tuer, on rend leurs pensées confuses, éliminant la différence qui exite entre le bien et le mal. On leur fait subir rites et initiations ignobles. Ainsi, on les force à tuer leur famille, leurs amis. On tue sous leurs yeux un copain enrôlé avec eux. On les oblige à se badigeonner le corps du sang de leurs victimes, parfois même à le boire, pour qu’ils s’endurcissent. Dans cet univers, les jeunes ne connaissent que la violence, comment faire autrement?
Comme on leur fait utiliser des armes légères, les trafficants d’armes ont tout arrangé pour qu’un enfant de sept ans puisse, sans problème, monter et démonter un AKA-47, des Kalachnikov, ou encore des carabines M-16. De plus, les jeunes pourront, grâce à la petite taille des armes, à leur légèreté et à leur mécanisme automatique s’en servir très (trop?!) facilement. Le coût bas de ces armes facilite leur approvisionnement ainsi que leur grande quantité.

« J’ai tué uniquement sous ordre de l’Armée. (…) C’était soit tuer, soit me faire tuer. (…) Si, j’ai tué des enfants, c’était dans la dynamique des rafales… je ne l’ai pas souhaité. (…) Tant que moi j’étais en vie, c’était l’essentiel. J’ai dû manger ma sardine ouverte avec un couteau militaire, si souvent entre des corps ensanglantés pour lesquels je ne ressentais plus rien. Des fois, j’étais obligé de les achever pour ne pas les voir souffrir devant moi. (…) »
« On nous demande de tuer un bébé. Si on refuse de le faire, quelqu’un d’autre le tuera, et nous tuera aussi. » (Propos d’un enfant soldat)
« De nombreuses fois j’ai juste crié dans mon cœur parce que je n’osais pas hurler à voix haute. »
(Propos d’une jeune fille âgée de 14 ans faisant partie d’une troupe rebelle en Sierra Leone)
« La seule chose que j’ai accompli en versant mon sang pour ce pays est que j’ai mené des gens au pouvois. Moi je n’ai rien. » (Propos d’un enfant soldat de 16 ansen instance d’insertion)
« L’enfant-soldat est le personnage le plus célèbre de cette fin du XXe siècle. C’est pourquoi il a décidé de « raconter sa vie de merde ». (Propos de Brahima, orphelin dans la rue recherchant sa tante et qui, devint enfant soldat volontairement) « Quand on n’a plus personne sur terre, ni père, ni mère, ni soeur et qu’on est petit, un petit mignon dans un pays foutu et barbare, où tout le monde s’égorge, que fait-on ? Bien sûr, on devient un enfant-soldat, un small-soldier pour manger et pour égorger à son tour ; il n’y a que cela qui reste ! »
Voici la liste des pays utilisant des enfants soldats en 2001(Amnesty International):
- Afghanistan
- Algérie
- Angola,
- Azerbaïdjan
- Bangladesh
- Birmanie
- Burundi,
- Cambodge,
- Colombie
- Congo
- Erythrée,
- Ethiopie
- Iles Salomon
- Inde (Andhra Pradesh, Cachemire)
- Iran
- Irak
- Israël
- Kosovo
- Liban
- Liberia
- Mexique
- Myanmar – Pays utilisant le PLUS d’enfants soldats au monde
- Népal
- Ouganda,
- Ouzbékistan
- Pakistan
- Papouasie
- Paraguay
- Nouvelle Guinée
- Pérou
- Philippines
- République démocratique du Congo
- Russie (Tchétchénie)
- Rwanda
- Sierra Leone
- Somalie
- Soudan
- Sri Lanka
- Tadjikistan
- Tchad
- Timor oriental
- Turquie
- Yougoslavie
On peut choisir d’oublier, de se fermer les yeux devant toutes ces atrocités. Mais en optant pour cette « solution » ne devenons pas nous même un peu responsables de l’horreur dans laquelle vivent ces enfants? En détournant le regard de cette situation, nous donnons, d’une certaine façon, notre accord aux vrais responsables de ces atrocités. Car si nous ne faisons rien pour arrêter ceux qui enrôlent ces jeunes qui le fera?